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La porte close

  • Photo du rédacteur: Captain Emeline
    Captain Emeline
  • 15 janv. 2020
  • 3 min de lecture

Grand-père Allumette s’extrait de son fauteuil comme un escargot sort de sa coquille. Il se penche au-dessus du foyer de la cheminée pour sauver quelques brindilles. Il les pose sur la table du salon en chêne massif tout en tirant sur sa pipe odorante. Un opinel jaillit de la poche de son peignoir et il me jette un coup d’oeil malicieux. Les volutes de fumées de sa pipe se suspendent en l’air, ma respiration est coupée : Grand-père Allumette a toujours le don de rendre les choses fascinantes. J’observe ses doigts noueux s’agiter sur le bois jusqu’à ce que se forme, à mon grand étonnement, une petite construction en forme de maison. Satisfait de son effet, il revient s’enfoncer dans son sofa et prend une nouvelle bouffée de tabac.


“ Est-ce que tu connais l’histoire de la porte close tout au fond de la maison ?

_ Euh… non, Grand-Père.

_ Très bien, je m’en vais te la conter.”


Je m’installe plus confortablement pour mieux déguster son récit, plongeant mon regard dans les braises hypnotisantes.


“ Cette modeste demeure

fut bâtie par deux farceurs.

On dit qu’ils avaient bon coeur,

ne voulant que le bonheur

de tous les futurs logeurs

suffisamment bon rieurs.

Tout en bas de la maison,

il y avait une échelle.

Tout en haut de cette échelle,

il y avait un couloir.

Tout au bout de ce couloir,

il y avait une cave.

Tout au fond de cette cave,

il y avait une porte.

Et derrière cette porte,

nul n’a jamais pu savoir

tout ce qu’on avait caché,

parce qu’elle était fermée ;

Une belle porte blanche,

à la serrure ouvragée,

dont personne ne savait

où l’on avait mis la clef.


Le mystère survivait

toujours, d’année en année.

Chaque famille essayait

mil façons d’y pénétrer.

Père, mère et leurs enfants,

oncle, tante et grands-parents,

tour à tour avaient tenté

d’enfin la faire bouger.

Malgré ça rien n’y faisait :

elle restait toujours plantée,

et sur ses gonds ne tournait.

On avait beau la forcer, 

la hacher et la frapper, 

la brûler et l’enfoncer,

par magie elle tenait.

Et ils vendaient la maison

jugeant perdre la raison

pour la porte enclavée

qui refusait de céder.

Bientôt il ne resta plus

une seule âme perdue

désirant habiter là

où tout le monde fuya.


Pauvre demeure bannie...

mois après mois envahie

d’une faune et une flore

chaque jour plus grande encore.

C’est ainsi que l’on pu voir

par le plus doux des soirs

une charmante famille

venir installer son nid.

Père, mère et leurs enfants,

oncle, tante et grands-parents,

tour à tour étaient entrés

plein de bagages chargés.

C’était bien la plus gentille

parmi toutes les familles

car c’était, à ce qu’on dit,

une famille souris.

Ils souriaient de bon coeur

à tous les clins d’oeil farceur

et lorsque les araignées

vinrent vers eux se moquer

de leur ferme volonté

de réussir à entrer,

on les vit se faufiler

jusqu’à la cave isolée.

A la porte ils arrivèrent,

dirent : “Voilà le mystère”

et dans un rire ils trouvèrent

la seule manière de faire 

pour parvenir à s’extraire

de ce véritable calvair.

Et ainsi chacun leur tour

ils entrèrent par le trou

de la serrure ouvragée

que l’on avait aménagé.”


Grand-père Allumette part dans ses pensées, sans ménager mon impatience.


“ Et alors, Grand-Père, qu’y avait-il de l’autre côté ?

_ Ah ! ça ! 

Eh bien les araignées disent :

tout en bas de la maison,

tout en haut de son échelle,

tout au bout de son couloir

et tout au fond de sa cave,

il y a une porte close ;

Et derrière cette porte,

bien qu’on ne sait pas encore

où l’on a caché sa clef,

on le sait de source sûre,

il y a depuis ce jour...

une famille souris !”


Et les yeux de Grand-Père de disparaître dans son éclat de rire.


Texte inspiré d'une photo de Priscilla Duluc

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