Jolie Folie

L’enfant a bondit hors de l’école,

d’un entrechat il a passé le muret,

ses rollers ont dérapé à la réception,

mais déjà, il reprend sa course.

Le chat a sursauté,

tous ses poils se sont hérissés comme un gazon fraîchement tondu,

il s’est fourré dans la haie qui longe le trottoir d’en face

quand il a été surpris par celui qui fait l’école buissonnière.

“Désolée le chat !” fait l’enfant d’une voix cristalline et essoufflée.

“Vous, les jeunes femelles humaines, vous êtes vraiment dérangées !” répond le vieux matou en grommelant.

Un grognement bien plus désagréable jailli de l’autre côté du buisson :

“ Va-t-en sac à puces !” jappe le chien du voisin.

Et le matou prend ses jambes à son cou,

suivant les traces de dérapage des rollers

pour fuir le labrador qui s’est échappé.

Alerté par les cris animaux,

le maître sort en furie de la cours de récréation

et poursuit la horde en gueulant,

son chapeau haut-de-forme à la main.

La fille trébuche et tombe,

le matou dépasse la fille,

le chien mord le maître,

le maître lâche son chapeau et se bat avec le chien.

Changement de direction pour l’homme qui ne parvient pas maîtriser le gros chien, tout maître qu’il est.

La fille se relève tant bien que mal, le menton, les genoux et les mains incrustés de graviers.

Le chat ralentit l’allure et se pavane pour avoir semé son prédateur.

Voyant le vieux matou si fier, l’écolière éclate de rire.

Elle part chercher le beau chapeau et l’arbore comme une couronne de victoire.

“Merci le chat !”

Ainsi pouvons-nous rencontrer dans les rues de la ville :

une fille à rollers ornée d'un chapeau haut-de-forme et d'un regard malicieux,

un vieux matou ondulant pompeusement sa queue ébouriffée,

un chien grognon détalant comme un lapin, une règle graduée dans la gueule,

et un homme en redingote au crâne dégarni suintant de peur et d’effort.

La folie est juste une question de point de vue.