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La pensée arborescente

  • Photo du rédacteur: Captain Emeline
    Captain Emeline
  • 16 janv. 2020
  • 2 min de lecture

C'est tellement intense dans mon crâne

que j'ai parfois l'impression que je suis en surchauffe

et que quelque chose va lâcher.

J'ai l'impression que je peux tomber dans le coma de cerveau

et ça me fait peur.

Alors j'essaie de me forcer à ne pas penser,

mais je n'y arrive pas.

C'est comme si j'étais prisonnier de mon cerveau.

Un jeune patient de Jeanne Siaud Facchin


"Mais ce qui est bizarre avec toi... c'est qu'on ne sait jamais ce que tu penses."

Lucas me lance cette réplique alors que nous venons juste de faire connaissance à l'âge de 17 ans. Je suis interpelée par sa franchise, par son intrusion brutale dans mon intimité. Ce n'est pas la première fois qu'on m'ait fait ce genre de remarques... mais cette fois-ci, on me regarde avec un réel intérêt pour ce qui se cache derrière mes petites lunettes d'intello. Que répondre ? Je souris. Et dans ma tête, les chûtes du Niagara se déversent en emportant tout sur leur passage. C'est vrai, mes pensées me dépassent autant qu'elles dépassent les autres. Un fleuve continu de sottises, d'idées folles ou de génie (selon les points de vue), des pensées inutiles (à 80%), des analyses méthodiques du Monde, des souvenirs en boucle, et tant d'autres choses qui ont amené Lucas, devenu mon compagnon par la suite, à me demander 10 fois par jour :

"Et là ? Tu réfléchis ou tu penses ?"

C'était presque devenu un code secret entre nous : si je ne fais que penser, tout va bien, c'est simplement une balade en canoë sur mon fleuve ; si je réfléchis, c'est que quelque chose me tracasse ou m'obsède et il vaudrait mieux que je lui partage avant que cela explose sans qu'il ne comprenne pourquoi.


La pensée en arborescence est une façon élégante de décrire le fonctionnement d'un cerveau boulimique avec des connexions TGV aussi foireuses que celles de la SNCF.

Plus poétiquement, je m'imagine une forêt dont chaque arbre est une pensée. Ses racines se nourrissent du terreau des anciens arbres et ses branches s'élancent vers l'extérieur pour tenter d'attraper les oiseaux qui passent. Une pensée se nourrit des anciennes pensées, transformées en connaissances ou en sensations et elle se projette vers l'extérieur de soi.

Chaque arbre a besoin de place pour pousser. Si la forêt est trop dense, l'arbre se sentira étouffer. Mais si l'arbre est trop solitaire, il y aura un terreau beaucoup moins nourrissant. Pour bien se développer, une pensée a aussi besoin de ne pas être bousculée par un trop grand nombre de consœurs, bienveillantes ou non, conscientes ou non. Elle a besoin d'être prise en considération, de lui laisser le temps de s'enraciner en nous pour mieux s'élever.


Quand je dance, je dance ;

quand je dors, je dors ;

voire, et quand je me promeine solitairement en un beau vergier,

si mes pensees se sont entretenues des occurrences estrangieres quelque partie du temps,

quelque autre partie, je les rameine à la promenade, au vergier,

à la douceur de cette solitude, et à moy.

Montaigne (Essais III.13)



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