Ruth

Dans un cadre idyllique, face à l’océan serein qui lèche la plage et s’étend jusqu’à toucher le soleil rosé, une voix assurée s’élève, rythmée par les vers de ce génie d’un autre siècle : Victor Hugo.

Cette voix remplit l’espace, défie le vent, déroule sans hésitations ni obstacles une histoire plus ancienne encore.

L’histoire d’une veuve couchée aux pieds d’un vieil homme, attendant qu’on la gracie et qu’on l’aime : Ruth, la jeune fidèle et Boaz, le fougueux sage.

L’histoire d’une rencontre aussi impromptue que la notre, pleine de poésie : Emeline, la jeune fidèle et Rémi, le fougueux sage.

Je me tais. J’écoute. Je respire les mots, je croise nos regards, je fixe le soleil qui se couche, j’entends les vagues tapisser le silence.

Ce silence derrière les mots, ce silence qui s’est mis lui aussi à écouter cette histoire.

La nature écoute l’histoire des Hommes et de leurs passions.

Les herbes hautes et moi, nous sommes attentifs aux modulations de la voix.

Le ruban de l’histoire a enfin cessé de se dérouler.

Il s’est envolé au loin, il a rejoint l’horizon.

Nous écoutons encore quelques instants son écho, dans les collines de sable, dans les monts qui nous font faces.

Ils nous toisaient à notre arrivée.

Maintenant, ils sourient, complices, ayant compris le fond de l’âme des hommes, avec ses amours et ses grands idéaux.

Le Grand Livre est posé sur les genoux du conteur, mais il n'a pas eu à l'ouvrir.

Les mots sont gravés dans sa mémoire comme ils l'étaient au temps des Auteurs.

La lune est pleine comme un point d’orgue sur une chapelle en pierre. Je fredonne une chanson volée à la brise du soir « c’était dans la nuit brune, sur un clocher jauni ; sur un clocher la lune comme un point sur un i ». Ma mère me chantait cette mélodie, tout comme la mère de Ruth chante à la fin de son histoire : le cœur tranquille, la joie aux coins des lèvres et les étoiles dans les yeux, sur un accord parfait majeur.