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Pourquoi est-ce si compliqué de prendre une décision quand une émotion me submerge ?

  • Photo du rédacteur: Captain Emeline
    Captain Emeline
  • 20 mars 2024
  • 5 min de lecture



1. Dans un 1er temps peux-tu nous expliquer ce qui se passe dans le cerveau lorsqu’on a une émotion ?



Le cerveau fait la distinction entre les émotions selon deux paramètres : l’intensité de l’émotion, et ce qu’on appelle la valence. La valence, c’est le côté agréable ou désagréable d’une émotion. 


Par exemple, quand je prends plaisir à manger des lasagnes, c’est une émotion de valence agréable, d’intensité plutôt faible. Et quand je reçois des applaudissements après un concert bien mené, j’ai une émotion agréable forte.


Au contraire, quand je suis peiné par une remarque déplacée d’une collègue, j’ai une émotion de valence désagréable et d’intensité plutôt faible. Et quand on m’annonce le décès de ma grand-mère, j’ai une émotion désagréable forte.


Il s’agit en fait d’un large spectre d’émotions qui sont réglées selon ces deux paramètres. Il peut bien sûr y avoir des nuances, des émotions mixtes, ou neutres…


Cela active de préférence certains réseaux au sein du cerveau. On peut imaginer le cerveau comme une grande toile d’araignée, où les fils sont chargés de faire des connexions entre toutes les parties du cerveau. Certains réseaux de fils sont très empruntés par l’araignée, ils sont plus faciles à circuler, plus rapides, plus solides, ils mènent à des endroits bien connus et très utilisés par l’araignée. Ce sont les réseaux préférés de l’araignée. Le cerveau fonctionne un peu comme ça. 


On considère à l’heure actuelle trois réseaux distincts pour les émotions.


La premier est le circuit du plaisir et de la récompense. Plus l’émotion est agréable, plus il va être activé. Et plus cette émotion est intense, plus je vais être attirée par ce qui me la procure.


A quoi ça ressemble dans le cerveau ? Reprenons l’exemple de mes lasagnes. Je sens l’odeur et je goûte quelque chose qui me fait vraiment plaisir. Ces informations sensorielles sont rassemblées par le thalamus qui joue le rôle de porte d'entrée du réseau du plaisir et de la récompense. Puis cela passe par des structures au milieu du cerveau qu’on appelle système limbique. Le système limbique est la clef des émotions. Il a deux grandes portes de sortie : 


- l’hypothalamus qui fait réagir mon corps à l’émotion, et me procure des hormones comme la dopamine. C’est ce qui va me faire gargouiller, saliver, ressentir de la joie en voyant des lasagnes.


- et le cortex préfrontal, c’est-à-dire l’avant du cerveau, qui régule mon comportement et mon psychisme. C’est qui va me faire penser “les lasagnes sont vraiment mon plat préféré”, me faire enregistrer ce bon souvenir et prendre la décision d’en faire plus souvent.


Pour les émotions négatives, il y aurait un circuit de la punition. Les hormones activées sont différentes, notamment l’adrénaline qui permet de fuir ou de combattre ce qui a provoqué l’émotion désagréable. Par exemple, lorsqu’une collègue me dit quelque chose de désagréable, je peux quitter la pièce et fuir la situation, ou lui répondre une répartie bien salée.


Et il y aurait aussi un système inhibiteur de l’action, qui s’active quand fuir ou combattre paraît impossible et que le seul choix semble de réagir passivement. Comme la souris qui fait la morte devant le chat qui lui fait trop peur pour réagir. Ou dans mon exemple de la collègue désagréable, je me laisse faire sans rien dire ou en me mettant à pleurer silencieusement.


C’est donc tout un ensemble de réseaux qui sont plus ou moins activés en fonction de l’intensité de l’émotion et de sa valence agréable ou désagréable. Cela nous amène à plusieurs réactions possibles : être attiré, fuir, combattre ou rester passif.



2. Lorsqu'on réfléchit à une prise de décision, est-ce que ça fait appelle à la même zone de notre cerveau que celle des émotions ?



Oui, il y a une partie commune : le cortex, la couche extérieure du cerveau, notamment à l'avant dans sa partie préfrontale. Cette partie gère le contrôle des comportements orientés vers un but, elle permet notamment de prendre des décisions. Elle est aussi utile pour gérer nos comportements et nos émotions. C’est un peu l’emplacement du chef d’orchestre du cerveau. Les personnes qui ont un cerveau abîmé à ce niveau changent de caractère, leurs émotions peuvent devenir complètement impulsives ou au contraire totalement neutres… leurs décisions en sont impactées. 



3. Pourquoi a-t-on l'impression que nos émotions parasitent  nos compétences intellectuelles, nos capacités de raisonnement et donc nos prises de décision ?



C'est ce qu'on appelle la dissonance cognitive : comme plusieurs notes de musique qui sonnent faux lorsqu'elles sont jouées ensemble, les pensées dissonnent, au lieu de former une belle harmonie. Il faut savoir que dans une prise de décisions, on utilise toujours nos émotions, nos valeurs, nos motivations. Chaque possibilité dans la décision est évaluée, pondérée en fonction de son poids émotionnel/motivationnel. Plus le poids d'une émotion ou d'une passion est intense, plus elle prend le dessus. S'il y a un conflit de valeurs, alors il y a dissonance cognitive. 


Par exemple, j’ai été indécise entre reprendre des études de théologie ou continuer mon travail actuel. La décision me mettait dans la confusion, elle semblait tellement compliquée, chargée de nombreux paramètres… notamment la question financière : est-ce qu’il valait mieux faire des études qui me plaisaient mais ne plus avoir d’argent pour se faire plaisir en dehors ou bien rester dans ma routine au travail avec de nombreuses activités plaisantes à l’extérieur ? Les deux possibilités sont sûrement équivalentes en termes de plaisirs et de contraintes. Finalement, j’ai opté pour un compromis : travailler encore un an pour économiser, faire seulement une année d’études, puis reprendre le travail.



4. L'intensité des émotions ressenties peut totalement nous embrouiller ou peut réduire notre vision d'une situation à une unique alternative alors qu'en réalité il y a tout un éventail de possibilité. Y a-t-il des explications neuropsychologiques ?



Oui, lorsqu'il y a une émotion trop intense, la partie avant du cerveau qui contrôle les comportements et les émotions est surchargée… il n'y a plus la place pour la flexibilité mentale. Le chef d’orchestre ne sait plus où donner de la tête. Les circuits sont comme bloqués en mode automatique, et l’on risque de ne pas voir l’étendue des possibilités. On peut se mettre à fuir ou combattre quand le circuit de la punition est très fortement activé, voire ne plus rien oser faire, quand le système d’inhibition de l’action est activé. Les comportements peuvent devenir extrêmes.



5. Aurais-tu des trucs et astuces à proposer pour permettre une redescente des émotions et retrouver les facultés nécessaires à une prise de décision ?


C’est vrai qu’il est bon de se mettre d’abord en sécurité émotionnelle pour ouvrir le champ des possibles. 


- Laisser passer les vagues émotionnelles dans un milieu protégé : dans un lieu sécurisant et sécurisé, avec une personne bienveillante ou seul, en faisant une activité qui régule ses émotions.


- Reconnaître et accepter ses émotions même quand elles ont une valence désagreable ou qu'elles sont intenses. C’est ok de ressentir autant d’émotions, même si elles paraissent contradictoires ou confuses.


- Éclaircir ses pensées en prenant conscience des émotions qui y sont associées.


- Ouvrir le champ des possibles : je sais pas si tu es d’accord, mais je conseillerai d’arrêter les “il faut” ou les “je dois” pour les remplacer par des “je veux” et “je ne veux pas”. Par exemple, au lieu de me dire “je ne dois pas arrêter mon travail sinon de quoi vais-je vivre ?” Je pourrais penser : “je ne veux pas me retrouver sans le sou donc je vais continuer à travailler un an avant de faire une année d’études”. Être claire sur ce qui me procure du plaisir, ce que je veux fuir ou combattre me permet d’éviter les impasses, les soi-disant “obligations” que je m’impose si souvent. 



Publié en 2023 au podcast Relationnellement votre

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