Philosophons autour d'un thé
- Captain Emeline
- 26 mars 2024
- 3 min de lecture
Développement personnel ou impersonnel ?
La philosophie est toujours d’actualité. Elle guide nos choix, nos valeurs et nos introspections. Toute l’équipe souhaite partager des conversations philosophiques qui ont eu lieu avec nos amis ou qui auraient pu avoir lieu. Et si vous êtes curieux, pourquoi ne pas poursuivre ces discussions avec votre entourage ?
Assise sur son lit d’hôpital spécialisé, mon amie attaque d'emblée la conversation en attendant que son thé refroidisse :
"J'ai lu un livre qui m'a bien remuée cette semaine. Développement (im)personnel, le succès d'une imposture, de Julia De Funès. Regarde, si tu veux je te le prête.
_ Houla !" Je m'exclame en levant un bras au ciel, l'autre menaçant de renverser ma tasse. "Tu sais, moi, j'aime bien le développement personnel… et je connais déjà les discours complotistes sur le sujet. On dit que c'est pour se faire de l'argent sur le dos des pauvres gens.
_ Non mais là, c'est une critique très documentée de la part d'une philosophe. Ça remet en perspective la pratique, c'est intéressant et un peu moins tranché que d’autres.
_ Ah, si c'est une philosophe ça devrait être moins creux.
_ Elle déroule l'historique de ce qu’elle appelle le culte de l'épanouissement personnel.
_ C'est vrai que ça pourrait devenir un culte, quand on voit tous les livres et les magazines sur le sujet !
_ C'est clair ! Visiblement ça a commencé dans les années 70. Avant c'était plutôt un culte de la transcendance.
_ De la transcendance ?
_ Oui, on se tournait vers un grand idéal extérieur pour donner du sens à sa vie. Par exemple : durant l’Antiquité, il fallait trouver sa place dans le Cosmos; les siècles d’après, il fallait prendre conscience que l’on est une créature face à son Dieu; les siècles suivants, il fallait suivre les valeurs humanistes comme la science, la raison, le progrès; etc…
_ Je comprends. Alors que maintenant c'est plutôt le culte du nombril, c'est ça ?
_ On est devenu des Narcisses qui regardons notre fragilité dans le miroir de nos écrans, d'après elle.
_ Aïe ! Ce n'est pas glorieux !
_ En tout cas, elle dit que à l’échelle de la société, ça donne tendance à avoir des mal-être plus diffus, aux lieux de troubles mentaux bien clairs.
_ Des mal-être diffus… comme les troubles anxio dépressifs ?
_ Par exemple, oui. Elle dit qu'on est maintenant les seuls responsables de notre bonheur et qu'on suit l'illusion que l'on peut tout réussir, alors c'est vachement frustrant !
_ Ce n'est pas faux… quand je vois des programmes de développement personnel en forme de recette de cuisine, ça semble si facile que je me dis : pourquoi ça ne marche pas aussi bien chez moi ?
_ C'est normal que ça ne marche pas toujours, pour tout le monde. C’est difficile d’appliquer la même méthode pour des milliers d’individus avec des psychismes différents.
_ Ce n’est pas possible d’appliquer “une recette magique” en tout cas.
_ Oui, je dirai qu’il faut trouver le bon chemin pour soi, voire prendre un bon accompagnateur, qui nous convient bien.
_ Un peu comme sur le chemin spirituel, on progresse par la régularité de sa pratique, le recul sur soi-même… et un bon accompagnement. Sinon, qu’en dit Julia De Funès ?
_ Son idée principale est qu’il ne faut pas faire des programmes de développement personnel nos nouvelles bibles et des coachs nos nouveaux prêtres.
_ Être prudent sur notre chemin.
_ C'est ça.
_ Rien ne vaut une bonne transcendance quand même !"
Nous rions de bon cœur en buvant une première gorgée de notre thé brûlant.
Publié en 2023 dans le magazine Aspir’à + Journal de ma vie intérieure numéro 3 : Le bonheur dans l'épreuve et dans la Bible
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